Le métier de formateur procure des moments très joyeux ! En particulier, le fait de travailler en accompagnement individuel est source d’instants délicieux. Parmi ceux-ci, il en est un dont je ne me lasse pas même s’il devient rare : c’est quand, au fond d’un tiroir oublié ou dans le coin le plus obscur d’une armoire de bureau, je découvre un de ces vieilles boîtes en plastique contenant des disquettes « 3’ ¼ ».
Par réflexe, et, je dois bien l’avouer, par provocation, je me dépêche d’aller vers la poubelle pour y placer ce vieil objet obsolète. Dans la plupart des cas, à mon plus grand plaisir, le détenteur de ces antiquités numériques se précipite vers ladite poubelle pour y récupérer ce que je viens d’y déposer : « Non ! Ces disquettes contiennent des informations très importantes dont je pourrais encore avoir besoin ! ». Voilà en substance la réaction que mon acte a provoquée. Bien sûr, prenant au mon mot mon interlocuteur, je le mets au défi d’afficher, sur le support de son choix, ces informations si importantes. La disparition des bons vieux lecteurs de disquette rend, vous vous en doutez, ce défi impossible à relever.
Papier : une limite physique
Cette anecdote est révélatrice d’une forte propension à la conservation de données inutiles et, surtout, inutilisables. Cette tendance, tant que l’information était stockée sur du papier, était limitée par une contrainte physique : les espaces de stockage ont un volume limité.
Avec l’apparition des stockages numériques, cette barrière est tombée et la capacité de stockage d’information est infinie. Du coup, les volumes conservés individuellement deviennent gigantesques.
Une autre limite
Mais il existe une autre limite, incontournable celle-là, dont nous n’avons pas encore assez conscience : notre propre incapacité à traiter ces volumes d’informations. De fait, il n’y a pas si longtemps les limites posées aux comptes de messageries étaient de 100 mégaoctets pour ceux qui travaillaient dans les entreprises les plus généreuses. Aujourd’hui, je rencontre des volumes autorisés de l’ordre de 50 gigaoctets. C’est énorme ! C’est une des formes de ce que l’on appelle aujourd’hui l’infobésité.
A titre de comparaison, selon un étude de 2003 (Lyman – How much information ?), un méga-octet permet d’enregistrer un petit roman. Pour les œuvres complètes de Willliam Shakespeare, 5 méga-octets sont nécessaires. Un gigaoctet représente une camionnette de livres, 100 Giga-octet, l’étage d’une bibliothèque, et deux téraoctets, ce qui est actuellement une taille courante pour le disque dur d’un ordinateur portable, pourraient contenir toute une bibliothèque spécialisée !
Alors, face à ces volumes, quelques questions méritent d’être posées :
– A quoi bon conserver toutes ces données puisque nous ne sommes pas capables de les traiter ?
– Serons-nous capable de retrouver une information utile dans un si grand volume ?
– Si nous retrouvons cette donnée parmi les dizaines de milliers d’autres, ne sera-t-elle pas périmée et remplacée par d’autres plus récentes que nous n’avons pas trouvées ?
Alors, plutôt que de conserver tout et n’importe quoi, attachez-vous à ne conserver que ce qui sera vraiment utile !